SILENCE HôPITAL ! POURQUOI CACHER LES PROBLèMES ?
28/08/2008 | le figaro.fr
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Par Guy Vallancien. Médecin, professeur à l'université Paris-Descartes, l'ancien chargé de mission au ministère de la Santé, pour le plan Hôpital 2007, répond à la tribune de Frédéric Bizard et du Pr Papiernik, parue dans nos colonnes le 23 août, à propos des projets de réforme des hôpitaux.
On ne peut rester coi à lire l'argumentaire de MM. Bizard et Papiernik sur la crise hospitalière . Les trois raisons invoquées censées condamner l'hôpital public que sont le financement en fonction de l'activité (T2A), la question des trente-cinq heures et les règles complexes de la comptabilité publique se conjugueraient dans un mélange irrationnel de principes d'une gouvernance inappropriée aux missions de l'hôpital. Contrairement à leur affirmation, la loi «patient, santé, territoire» en préparation ne doit en rien revenir sur la tarification en fonction du volume d'actes et de leur qualité. Les régions et pays voisins qui ont su rénover leurs hôpitaux (Catalogne, Lombardie, Belgique, Grande-Bretagne…) ont utilisé à marche forcée le financement à l'activité et à la qualité. Pourquoi persiste-t-on en France à vouloir maintenir l'hôpital hors du mode des échanges et de l'économie, tel un sanctuaire dispendieux à l'efficacité douteuse. Il faut en finir avec l'hôpital médiocre et à tout faire. Même le petit hôpital local doit se spécialiser dans des tâches que n'assureront pas les autres selon une hiérarchisation des missions de chaque établissement de soins, public comme privé. La tarification à l'activité a révélé la sous-productivité chronique de nos hôpitaux, que la sempiternelle excuse de la prise en charge de toute la misère du monde et le rôle de formateur des centres hospitalo-universitaires ne peuvent plus masquer. Nous vivons dans une économie ouverte et marchande, et les études comparatives entre établissements de soins publics et privés, notamment en chirurgie, sont éloquentes. L'hôpital produit environ deux à deux fois et demie moins de soins que les cliniques avec une qualité qui n'est globalement pas meilleure, comme le montrent les études de benchmarking récentes. Qu'une dérive mercantile existe, nul ne le conteste, mais ce n'est pas une raison pour revenir en arrière avec des financements globaux. Il existe des critères de qualité assez simples pour évaluer la production de soins, utilisons-les sans hésiter. Les pathologies lourdes ne sont pas l'apanage des hôpitaux, qui sont en fait plus contraints par le niveau socioculturel de ceux qui les fréquentent, or il existe des moyens pour réduire ce déséquilibre qui passent par un autre mode de management hospitalier, notamment par les partenariats public-privé locaux-régionaux concernant en particulier les urgences.
Les trente-cinq heures et notamment les heures supplémentaires ne sont qu'en partie responsables du marasme actuel que connaissent les personnels hospitaliers. Pourquoi payer des plages additionnelles (travail effectué en dehors des heures réglementaires) à prix d'or à certains spécialistes publics qui en abusent larga manu. Quand cessera-t-on de laisser filer dans des hôpitaux sans malades à opérer des médecins mercenaires payés grassement à ne rien faire ! L'hôpital doit, au prix d'une gouvernance affirmée bâtie sur le mérite et la qualité, retrouver des marges de manœuvre. Son déficit de 760 millions peut en grande partie être comblé par une restructuration interne forte sous-tendue par une offre de soins rénovée. Les projets pharaoniques de certains CHU alors que leur demande de soins stagne sont des non-sens médico-économiques. La lassitude des médecins, des administrateurs et des personnels soignants vient, osons le dire franchement, pour une bonne part, de leur incapacité à développer ensemble des projets cohérents. Les enjeux de pouvoir, les dogmes et la suspicion règnent en maîtres. L'hôpital fonctionne par métiers indépendants sans véritable esprit d'entreprise au service des autres. Les médecins veulent jalousement garder leur indépendance, les administrateurs ne veulent pas leur transférer ne serait-ce qu'une part des finances et du management. Le résultat obtenu est une édulcoration profonde du projet Hôpital 2007 lancé il y a cinq ans. Nombreux sont en fait celles et ceux qui, muets, sont prêts à agir pour redresser leur outil de travail et faire de l'hôpital ce lieu d'accueil sans discrimination de lieu, d'information et de revenus que nous souhaitons tous. Pour réussir ce pari, la ministre de la Santé doit donc aller au-delà des recommandations des différents rapports empilés sur son bureau. L'innovation dans la restructuration passe par un partenariat renforcé et lucide entre médecins et gestionnaires. La responsabilisation maximale des nouveaux chefs d'établissement et des responsables de pôles médicaux, véritables manageurs et non plus simples administrateurs obéissant aveuglément à la pléthore de décrets et autres arrêtés venus d'en haut, tous autant inutiles que stérilisants, est le prérequis incontournable à la refonte de l'hôpital. Libérez les hommes, ils vous le rendront au centuple, mais, de grâce, ne brandissons pas les veilles recettes qui pourraient sans délai condamner l'hôpital au silence.
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Par Guy Vallancien. Médecin, professeur à l'université Paris-Descartes, l'ancien chargé de mission au ministère de la Santé, pour le plan Hôpital 2007, répond à la tribune de Frédéric Bizard et du Pr Papiernik, parue dans nos colonnes le 23 août, à propos des projets de réforme des hôpitaux.
On ne peut rester coi à lire l'argumentaire de MM. Bizard et Papiernik sur la crise hospitalière . Les trois raisons invoquées censées condamner l'hôpital public que sont le financement en fonction de l'activité (T2A), la question des trente-cinq heures et les règles complexes de la comptabilité publique se conjugueraient dans un mélange irrationnel de principes d'une gouvernance inappropriée aux missions de l'hôpital. Contrairement à leur affirmation, la loi «patient, santé, territoire» en préparation ne doit en rien revenir sur la tarification en fonction du volume d'actes et de leur qualité. Les régions et pays voisins qui ont su rénover leurs hôpitaux (Catalogne, Lombardie, Belgique, Grande-Bretagne…) ont utilisé à marche forcée le financement à l'activité et à la qualité. Pourquoi persiste-t-on en France à vouloir maintenir l'hôpital hors du mode des échanges et de l'économie, tel un sanctuaire dispendieux à l'efficacité douteuse. Il faut en finir avec l'hôpital médiocre et à tout faire. Même le petit hôpital local doit se spécialiser dans des tâches que n'assureront pas les autres selon une hiérarchisation des missions de chaque établissement de soins, public comme privé. La tarification à l'activité a révélé la sous-productivité chronique de nos hôpitaux, que la sempiternelle excuse de la prise en charge de toute la misère du monde et le rôle de formateur des centres hospitalo-universitaires ne peuvent plus masquer. Nous vivons dans une économie ouverte et marchande, et les études comparatives entre établissements de soins publics et privés, notamment en chirurgie, sont éloquentes. L'hôpital produit environ deux à deux fois et demie moins de soins que les cliniques avec une qualité qui n'est globalement pas meilleure, comme le montrent les études de benchmarking récentes. Qu'une dérive mercantile existe, nul ne le conteste, mais ce n'est pas une raison pour revenir en arrière avec des financements globaux. Il existe des critères de qualité assez simples pour évaluer la production de soins, utilisons-les sans hésiter. Les pathologies lourdes ne sont pas l'apanage des hôpitaux, qui sont en fait plus contraints par le niveau socioculturel de ceux qui les fréquentent, or il existe des moyens pour réduire ce déséquilibre qui passent par un autre mode de management hospitalier, notamment par les partenariats public-privé locaux-régionaux concernant en particulier les urgences.
Les trente-cinq heures et notamment les heures supplémentaires ne sont qu'en partie responsables du marasme actuel que connaissent les personnels hospitaliers. Pourquoi payer des plages additionnelles (travail effectué en dehors des heures réglementaires) à prix d'or à certains spécialistes publics qui en abusent larga manu. Quand cessera-t-on de laisser filer dans des hôpitaux sans malades à opérer des médecins mercenaires payés grassement à ne rien faire ! L'hôpital doit, au prix d'une gouvernance affirmée bâtie sur le mérite et la qualité, retrouver des marges de manœuvre. Son déficit de 760 millions peut en grande partie être comblé par une restructuration interne forte sous-tendue par une offre de soins rénovée. Les projets pharaoniques de certains CHU alors que leur demande de soins stagne sont des non-sens médico-économiques. La lassitude des médecins, des administrateurs et des personnels soignants vient, osons le dire franchement, pour une bonne part, de leur incapacité à développer ensemble des projets cohérents. Les enjeux de pouvoir, les dogmes et la suspicion règnent en maîtres. L'hôpital fonctionne par métiers indépendants sans véritable esprit d'entreprise au service des autres. Les médecins veulent jalousement garder leur indépendance, les administrateurs ne veulent pas leur transférer ne serait-ce qu'une part des finances et du management. Le résultat obtenu est une édulcoration profonde du projet Hôpital 2007 lancé il y a cinq ans. Nombreux sont en fait celles et ceux qui, muets, sont prêts à agir pour redresser leur outil de travail et faire de l'hôpital ce lieu d'accueil sans discrimination de lieu, d'information et de revenus que nous souhaitons tous. Pour réussir ce pari, la ministre de la Santé doit donc aller au-delà des recommandations des différents rapports empilés sur son bureau. L'innovation dans la restructuration passe par un partenariat renforcé et lucide entre médecins et gestionnaires. La responsabilisation maximale des nouveaux chefs d'établissement et des responsables de pôles médicaux, véritables manageurs et non plus simples administrateurs obéissant aveuglément à la pléthore de décrets et autres arrêtés venus d'en haut, tous autant inutiles que stérilisants, est le prérequis incontournable à la refonte de l'hôpital. Libérez les hommes, ils vous le rendront au centuple, mais, de grâce, ne brandissons pas les veilles recettes qui pourraient sans délai condamner l'hôpital au silence.
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