AU DOCTEUR FOUETTARD
Madame la Ministre de la Santé,
La dépêche de l'AFP du 29 août 2008 fait mention de la permanence des soins et de son organisation dans le cadre de votre futur projet de loi « Patients, Santé et Territoires ».
Je cite : »- Toujours en matière de médecine libérale, il renforce aussi les sanctions applicables aux médecins refusant une réquisition pour assurer une garde ou une astreinte, dont l'organisation est confiée aux futures ARS.
Cette référence à la sanction de médecins soumis à la coercition des réquisitions nous interroge. Rappelons que tout médecin qui refuse de se plier à la réquisition préfectorale s'expose d'ores et déjà à une amende de 3750 euro assortie de 6 mois de prison. Qu'entendez- vous donc par un renforcement des sanctions ? Voulez vous l'obligez à confesser sa faute, à genoux, sous le regard des caméras, envisagez-vous de lui faire porter un brassard brodé du mot « fainéant », souhaitez-vous le voir sous les verrous, n'ayant droit de sortie que pour travailler la nuit, bénévolement. Soyons sérieux, même si les jeux de Pékin semblent vous avoir mis d'humeur badine, vous n'avez sans doute pas oublié que la garde, en France et depuis septembre 2003, est placée sous le régime du volontariat.
Dès lors comment parvenez- vous à faire rimer, encore, volontariat avec réquisition ?
La mission d'appui en vue de la désectorisation de départements ruraux essentiellement, à laquelle j'ai eu la chance de participer m'a donné un aperçu de la permanence des soins que vous souhaitiez mettre en place : une permanence des soins où la ville est comblée de structures en tous genres, où « l'offre de soins » de nuit et de week-end satisfait les nombreux électeurs tout en s'accommodant d'un réel laxisme de la régulation, laxisme soutenu autant par les « consommateurs de soins » que par les responsables politiques et les CPAM locales.
En contrechamp les gens de la campagne, en petit nombre, « petits consommateurs » de soins, déjà loin de toute structure publique de soin, à plus d'une heure d'accès, parfois pour le SAMU devront se satisfaire d'encore moins.
Vous avez mis en place des missions composées essentiellement d'hospitaliers parisiens pour réfléchir sur l'organisation de la permanence des soins en France. Vous auriez pu aussi écouter les médecins de terrain, venus présenter leur travail et leurs préoccupations à votre ministère à Paris lors des « auditions » consacrées à leur département. Vous n'y étiez pas. Je peux vous résumer ce que j'y ai entendu et vu. Ces médecins là travaillent au cœur des villages isolés. Ils sont dévoués à leurs patients au point d'assurer une permanence des soins parfois 7 jours sur 7, sans bénéfice financier réel car contrairement à ce que l'on peut imaginer à Paris, travailler avec une petite clientèle rurale ne permet pas de s'enrichir. Ils sont tous conscients que ce dévouement et cette approche presque sacerdotale de leur exercice s'arrêteront quand ils partiront et que les zones blanches qui commencent à orner certains départements vont s'étendre et confluer. Car la relève n'est pas assurée.
Madame la Ministre, je vous mets en garde, si je puis me permettre, contre votre optimisme naturel et sympathique. Votre pivot taillable et corvéable à merci n'à que faire de vos menaces, de vos sanctions, de vos intimidations. Entre ceux qui se découragent et se tournent vers le salariat, ceux qui partent à la retraite plus tôt que prévu, ceux qui changent d'activité, les médecins généralistes de terrain se raréfient.
Les maisons de santé ou pôles de santé, ne seront, j'en tiens le pari, que des coquilles vides, rutilantes coûteuses, médiatiques, mais vides. Déjà certaines sont à vendre…Nos jeunes confrères ont bien saisi toute l'inefficience des EGOS et n'hésiterons pas, pour la plupart à choisir une autre voie que celle d'un travail monacal discrédité. Et les médecins roumains nous quittent déjà.
Madame la Ministre, la permanence des soins ne se résoudra pas à coup de réquisitions. Je vous rappelle que cet acte est une violation de la convention des droits de l'homme et du citoyen. Malgré tous vos efforts, les réquisitions ne permettront pas d'éviter l'effondrement de cette structure fragile, fragilisée encore par vos restrictions budgétaires.
La volonté affichée de ne pas déplaire aux français en leur demandant d'adopter un comportement adulte face à la demande de soins remboursés en dehors des heures ouvrables des cabinets, celle de ne pas déplaire au monde hospitalier en imposant une régulation à l'entrée des SAU , comme aux organisations libérales de garde non régulées, entraînent des dépenses conséquentes et injustifiables .
Madame la ministre, nous espérons encore être entendus avant que votre texte de loi « Patients, Santé et Territoire » ne précipite la dégradation puis la disparition de la permanence des soins dans les zones éloignées des centres hospitaliers. Il en va de votre responsabilité et vos menaces n'y changeront rien.
Dr G. R.
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